
Trilogie de l’ennui, deuxième partie
Je m’excite comme un con
tout seul chez moi, la tête à l’envers, tout fout le camp rien ne change, je sais pas quoi écrire, de l’inquiétude naît un monstre, quelle connerie cette phrase longue à la con dont personne n’a rien à battre, putain j’ai vidé mon livret A en espérant que me forcer à écrire fasse tomber les foudres divines qui mettraient le feu aux poudres créatrices, mais quel abruti j’ai été d’y croire encore, qui la lira cette phrase pourrie, on s’en cogne, et puis personne n’est même pas foutu de citer l’unique vraie bonne phrase longue au monde, Albert Cohen dans Belle du Seigneur, tous les connards des salons parisiens peuvent aller se rhabiller, foutage de gueule, ça m’arrache la gorge et la gueule, la rage, j’ai envie de péter un truc à mains nues, de me cogner la tête contre les murs en hurlant, j’en veux à la terre entière, envie de picoler parce qu’il n’y a qu’avec l’alcool qui coule dans les veines que je me sente debout, envie de me remettre à fumer et retourner à Görlitzer Park acheter du shit aux migrants tristes que les bâtards de la Polizei harassent, envie de me déchirer la tête et oublier, je gerbe les allemands froids hostiles et le système, tout me fait chier, c’est hyper touchant à 16 ans, c’est pathétique à 40, je me dégoute, ça sert à quoi, on est lundi soir je vais me foutre à poil et envoyer cette daube infecte, est-ce qu’A. écrira un retour bienveillant, quelque chose d’assez gentil bien vu encourageant que je ressasserais dans mon crâne pendant des plombes en me demandant où ça me place sur l’échiquier de cette vie de merde, ou alors je réclame un délai supplémentaire pour pondre un truc plus convenable moins outrageant mais non j’enverrai mon texte pile à l’heure convenue parce que c’est ce que je fais de mieux, plaire et faire plaisir, je veux qu’A. aussi m’aime inconditionnellement, pas qu’elle me juge ou me méprise, ou m’ignore comme tout le monde, je suis gentil agréable courtois ponctuel prévenant doux, je ne dérange ni ne déroge, et si la politesse ça servait à avancer ou à gagner de quoi payer ma Krankenversicherung du mois de mars et bien putain on le saurait, de toute façon il n’y a que l’insolence qui paie mais moi j’y arrive jamais, j’ai déjà essayé je confonds toujours avec l’agressivité c’est pas sexy, j’ai le seum je suis isolé inutile étouffé, je crache dans la soupe je réclame une autre assiette, je cherche un sens à tout alors qu’il n’y a que dalle, que dalle, je tourne comme un con autour du pot en veillant à ne pas dépasser 2500 caractères de merde et respecter des consignes dont on s’en tape à mort parce qu’on a tous la rage au corps et envie de gueuler au monde d’aller se faire foutre, refoutre et re-refoutre, mais non on ne le fera pas parce que nous, avec nos traumatismes tapis et nos chagrins cachés, on continue à traverser dans les clous, de toutes façons comme disait le poète on crèvera tous, on crèvera seul, et pour couronner cette gigantesque et fumante bouse de merde
je crois que je suis amoureux.