Calcutta, deux jour après Noël.
7 semaines, 17 villes, 8 états. Des milliers de kilomètres, en car, en train, en avion, en tuktuk, et souvent à pied.
Si j’avais su que voyager seul à travers l’Inde aurait été si difficile, si frustrant, si épuisant moralement, je suis à peu près certain que je n’aurais jamais entrepris le voyage.
Si j’avais su que cela aurait été aussi intense, aussi impressionnant, aussi magnifique, aussi libérateur, je pense que je serais déjà venu il y a bien longtemps.
Si je repense à mon arrivée à Mumbai il y a deux mois, et à mon départ de Calcutta aujourd’hui, à ce qui me choquait alors et que je trouve normal aujourd’hui, à ce qui me choque maintenant et m’aurait fait fuir en hurlant à mon arrivée (un exemple simple et exhaustif, les lépreux…), je ne peux m’empêcher de sourire. Et de réfléchir au sens de la vie, à la valeur qu’on lui accorde.
Si je pense à l’énormité de ce voyage, à cette douce folie, je ne peux m’empêcher de me demander si c’est vraiment moi qui me suis lancé dans ce projet.
J’ai appris beaucoup de choses ces dernières semaines. Entre autre, que…
Les cafards ne sont toujours pas mes animaux préférés, mais ils ne me dégoûtent plus.
Je suis capable de traverser la rue à New Delhi, Mumbai et Calcutta sans mourir écrasé.
J’ai appris à dire non, en gardant mon calme et mon sourire (allez, presqu’à chaque fois…)
J’ai réalisé que tout ce que l’on attend, que l’on espère, que l’on désire n’arrive, ne se réalise presque jamais, mais qu’autre chose s’y substituera, et la plupart du temps dans mon intérêt.
J’ai compris que, même dans les pires moments, j’ai à disposition plusieurs réseaux d’entraide et de soutien, qu’ils soient familial, social ou étatique.
J’ai compris que parfois, il vaut mieux ne pas savoir ce qui va se passer. Qu’il est bon, aussi que difficile, de laisser tomber le contrôle absolu du temps et des situations.Que l’aventure, aussi apeurante soit-elle, est une véritable chance
J’ai compris que je suis privilégié, et que je l’ai toujours été, même dans les moments les plus difficiles de ma vie. Et que si cela ne résoudra pas forcément mes problèmes dans le futur, au moins j’ai une perspective nouvelle.
J’ai compris la chance que nous avons de vivre en Occident, dans des pays propres, où l’air est respirable. J’ai compris la chance d’être né la-bas, et non ici.
J’ai compris, dans un temple blanc et à mon immense surprise (au moment où je m’y attendais le moins) que ma grande faiblesse, c’est la colère, que le fuel de la colère, c’est la peur, et que la peur, souvent, découle de la comparaison stérile avec les autres.
J’ai compris, ou commencé à comprendre, que rien n’est jamais vraiment fini.
J’ai compris, et accepté, que je suis capable de traverser un sous-continent, de m’adapter aux multiples imprévus, de survivre aux nombreuses frustrations, de faire abstraction de la puanteur d’un lieu pour m’émerveiller de sa beauté, de lier connaissance avec des inconnus, de me faire comprendre sans le biais du langage.
J’ai compris qu’il y a dans la vie des lignes directrices, mais pas de mode d’emploi.
J’ai compris que je suis un animal social, que j’aime vivre en groupe, en société, que j’aime rencontrer de nouvelles personnes, que j’aime parler avec tout le monde. Que c’est une chance, et une de mes caractéristiques. Que je chéris mon indépendance, mais que la solitude me pèse parfois beaucoup.
J’ai mesuré le bonheur de croiser la route de nombreuses personnes, des indiens ou d’autres voyageurs, de faire un bout de chemin avec certains, et de garder l’amitié de plusieurs.
J’ai compris que j’ai ma place, si je décide de l’occuper. J’ai compris ma liberté.
Merci, incroyable Inde.
Namaste